NIMITZ -test des règles avec la bataille de Savo island (9 aout 1942)

 Juillet 1942. Un appareil de reconnaissance américain constate que les Japonais, qui occupent depuis quelques mois une partie de l'archipel des Salomon, au nord de l'Australie, sont en train de construire un aérodrome sur l'île de Guadalcanal. C'est le signal pour lancer une action qui se préparait déjà mais va se précipiter: si les Japonais parviennent à terminer leur aérodrome, des bombardiers à long rayon d'action pourront en décoller et frapper les lignes de communications entre les Etats-Unis et l'Australie.


L'opération Pestilence/Watchtower est lancée le 7 août 1942 depuis la Nouvelle-calédonie: la 1re division des Marines US doit débarquer près de Lunga Point, au nord de Guadalcanal, pour s'emparer rapidement de l'aérodrome. Le débarquement est une surprise pour les Japon - le premier blessé de la première vague l'est en tentant d'ouvrir une noix de coco avec sa baïonnette. Mais une fois la nouvelle connue, l'amirauté japonaise décide de réagir.  L'escadre de l'amiral Mikawa quitte Rabaul, en Nouvelle Bretagne en direction de Guadalcanal avec comme mission d'interrompre le débarquement des troupes américaines ou à tout moins de le perturber. Il est rejoint par quatre croiseurs lourds de l'amiral Goto qui arrive de Kiaveng, non loin de là.

Chokai en tête l'amiral Mikawa progresse le long du (not-so) Iron (ed) bottom sound.


Il va en découler, dans la nuit du 9 août 1942, la bataille de Savo Island, qui se solde par un véritable désastre pour les Alliés : 3 croiseurs lourds perdus, 1 sabordé car irréparable, le HMAS Canberra, très probablement torpillé par l'USS Bagley qui avait lancé ses torpilles un peu à l'aveugle dans la panique générale. Les japonais repartent de la zone avec des dégâts légers. Le débarquement va être interrompu par l'US Navy, qui va laisser les Marines sans matériel lourd durant plusieurs jours. heureusement, les Japonais ont laissé derrière eux de gros stocks de riz et une petite fabrique à glace.



C'est cette bataille que nous avons joué vendredi après-midi au Club bagarre de l'Ecole Militaire à Paris.

Trois participants dont deux participantes, un fait à noter : lorsque l'on invite tout le monde à venir jouer, les femmes viennent (incroyable!). Un seul marin s'est prêté à l'exercice, mais quel marin ! un officier que les passionnés de jeux de guerre connaissent sans doute : Enguerrand Ducourtil, fondateur de la société Pytharec (auteur d'une grande partie de ces photos qu'il en soit remercié)

Le briefing commence


Nous avons rejoué la bataille avec les règles du jeu Nimitz publié par Sam Mustafa. Elles sont assez simples - et parfaites pour un atelier d'initiation au jeu de guerre. Ces règles comprennent également un système de campagne, Halsey, d'une grande intelligence, permettant de produire des affrontements tactiques intéressants. C'est ce que je préfère - un système de zoom/dé-zoom opérationnel/tactique. On ne joue pas pareil quand on sait que l'on va avoir besoin de ses avions et de ses bateaux pour le reste de la campagne...

l'amiral(e) américaine tente d'échapper à la flotte japonaise (les dés ne vos pas aider)


Pour une première partie, j'ai apprécié la fluidité de la règle mais j'ai des regrets et il y a des choses qui coincent pour moi. Je vais les lister (et proposer des solutions à mon goût).

Le Canberra est touché à mort et saute (a strange feeling of déjà-vu)

Le premier problème est que l'on peut littéralement s'acharner sur un navire avant de passer au suivant. Or dans la réalité, tirer à plusieurs navires des projectiles d'un même calibre rend très compliqué la conduite de tir. Ma proposition : ajouter une difficulté de 1 si deux navires ou plus de la même formation avec des armes de même type tirent sur une même cible.

Il faut parfois prendre des mesures


Le second est celui des dégâts critiques. Chaque coup qui porte entraine un jet de dés sur la table des dégâts critiques. On lance 2D6 dont on additionne les scores qui vont donc de 2 à 12. Sur un score de 12 (et à condition que des obus pénètrent, ce qui est assez souvent le cas quand on est assez expérimenté pour ne pas faire tirer le HMS Jarvis sur le Vittorio Veneto, par exemple) le navire touché saute. BOUM.

Alors, je suis d'accord qu'une bonne règle doit pouvoir permettre au HMS Hood de sauter sur un coup au but. Mais là, on est sur 2,77% de chance que cela arrive, c'est totalement disproportionné.

A titre d'exemple, dans l'excellente règle Naval Thunder, le Bismarck tirant sur le Hood avec ses 8 pièces de 380mm à longue distance nous donne un pourcentage comme suit:

8x0,4 (chaque de toucher) x0,10 (chance de faire un dégât critique) x0,01 (chance de provoquer une explosion de la soute en cas de dégât critique) soit 0,32% de chance. J'ai déjà vu un tel résultat. C'est spectaculaire. C'est une suite de mauvais jets de dés. Et c'est intéressant. Avec Nimitz on est sur une statistique trop élevée. J'aurais donc tendance à dire : sur un score de 12, relancer un dé. Sur un score de 6, le navire saute (on est sur 0,47%) sur 1 à 5, on oblitère une tourelle (c'est déjà pas mal).

Trois croiseurs américains et leur escorte de destroyers


Le troisième est le côté tout ou rien du système de touche. Un 1 est toujours un échec, un 6 toujours une réussite. Ca simplifie grandement le jeu et ca l'accélère (on jette le dé et après on regarde la table d'acquisition) mais c'est parfois pénible (surtout quand on fait des 1 bien sûr). Surtout, il n'y a aucune corrélation entre le score obtenu et celui du jet de dé de pénétration des projectiles. On finit par s'y faire, mais c'est parfois surprenant. (Pas de remède à ce stade)

Des hydravions de reconnaissance embarqués japonais. Le 9 août 1942, ils ont décollé et lancé des fusées au début de la bataille - sans inquiéter outre mesure les Alliés (Tumbling dice miniatures).


Le quatrième est le fait que l'on peut faire tirer ses pièces ET ses torpilles à travers des unités amies ou ennemies. Alors je n'ai pas trop de difficultés à admettre qu'un cuirassé puisse tirer par dessus des destroyers plus près de lui que de sa cible, mais l'inverse, j'ai du mal. Quant à tirer des torpilles, une fois encore, tirer à travers une formation de destroyers amis ou ennemis pour visiter des cuirassés, en admettant que l'on règle les torpilles à la bonne profondeur, j'imagine que c'est techniquement faisable mais probablement tactiquement douteux (ou audacieux, c'est selon). J'autoriserais donc assez le tir des cuirassés par dessus les croiseurs et des destroyers, des croiseurs par dessus les destroyers sans difficulté, mais dans tous les autres cas, je dirais un jet de 1 au score pour toucher entraine une frappe sur l'unité amie à travers laquelle on tirait. Cela pourrait par ailleurs permettre de simuler le torpillage du Canberra. On peut aussi considérer que chaque navire au 1:3000e n'est pas à l'échelle et qu'il y a des interstices. Une fois encore, pour l'artillerie je peux le concevoir, pour les torpilles....

Le malheureux HMAS Canberra, qui coule à chaque fois que je joue avec (Navwar Miniatures)

Le cinquième est qu'il est possible de faire feu sur des destroyers avec des pièces lourdes sans beaucoup de difficultés et que si l'on touche on les réduit à l'état de carcasses fumantes. Pourtant, on tirait rarement sur d'aussi petites cibles avec des gros calibres et notamment en raison de l'overkill: l'obus a une telle vitesse et une telle masse qu'il traverse la coque ou la superstructure du destroyer sans avoir le temps d'exploser. les dégâts ne sont certes pas minces, mais globalement, on peut paradoxalement plus facilement survivre à un tel pilonnage. Il suffit de considérer qu'un destroyer pris pour cible par de grosses pièces est toujours considéré comme une cible en "small aspect" ou alors de diviser par deux la puissance de pénétration des grosses pièces.

Au global, le système fonctionne, il est agréable, les fiches de navire facilitent le jeu et la QRS est très facile à lire (une page recto). Il rebutera sans doute le fana naval qui a débuté avec Amirauté ou préfère les jeux plus compliqués. Mais pour jouer des parties rapides avec des gens qui ne connaissent pas trop le sujet, ça marche très bien. Et comme c'est 90% des gens avec qui je joue, Nimitz est un bon compromis.




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